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Dégât des eaux à la mairie de Paris

 

Dans la série dégât des eaux, Molitor est un sommet !

Quasiment une révélation. Car sa rénovation est une farce ! Une farce pathétique. Une escroquerie intellectuelle qui est à des années lumières de ce que nous imaginions à l'époque où nous ramions comme des galériens pour empêcher les bulldozers de la raser corps et âme .

 

Molitor vient d’être transformée en enclos façon bunker réservée à une « élite ». Manquerait plus que cette piscine, si chèrement rénovée par des opportunistes deuxième génération, soit polluée par les gens qui ont signé les pétitions de l’été 89, et ont, de fait, activement participé à son sauvetage.

Alors, j’ai bien envie de le raconter, ce sauvetage quasi héroïque de l’été 89. Notre parcours du combattant pendant les mois qui ont suivi. Avec leur lot d’espoir et de déceptions. De bonnes nouvelles et de moins bonnes.

 

Vite, du papier, un crayon. Faire un plan. Chronologique, de préférence. Ya des jours, on n’a pas le temps de sophistiquer l’idée.

 

Bon, le plan. Au fait, ça démarre comment ?

 

Petit récap

Chronique d’un sauvetage raté (en 10 étapes)

 

Etape 1 : début juin 89 le bruit court que les piscines Molitor vont être purement et simplement rasées pour faire place à un hôtel Concorde (idem celui de la Porte Maillot). Un premier article (hebdo « 7 à Paris ») fait état du massacre, radicalement programmé pour l’automne 89.

 

Etape 2 : la rumeur se précise: les bulldozers vont entrer en action en septembre. Deux mois plus tard.

 

Etape 3 : mi- juin, après m’être informée sur l’existence d’une éventuelle association de défense, je me rends compte qu’il n’y en a pas. J’ai pas le choix, si je veux intervenir avec mes petits moyens, je n’ai pas le choix. J’ai donc créé mon association loi 1901 pour éviter l’irréparable : la disparition de Molitor, ses piscines, son décor, ses rêves d’ailleurs. Le brain storming est vite réglé. Je l’appelle SOS Molitor. Ma première mission : alerter la presse avec les moyens du bord. Un peu rudimentaires à l’époque parce qu’il n’y avait ni portables, ni internet. Ni mails. Ni twitter. Ni Facebook. Autant dire que c’était la préhistoire des réseaux sociaux.

Au rythme d’une trentaine de coups de fil par jour, j’ai fini par avoir des contacts dans les rédactions.

Parallèlement, chaque week-end, je me suis installée au bord du bassin d’été pour faire signer mes pétitions (10 000 signatures en 2 mois). J’avais fabriqué une affichette agrafée à mon tee-shirt et qui disais « Sauvons les piscines Molitor ».

Avec l’appui des deux commerçants encore en activité, je laisse mes dépose le formulaire de ma pétition dans leurs boutiques (café et magasin de sport). Quelques passionnés me rejoignent, et comme l’union fait la force, les résultats suivent.

 

Etape 4 : en septembre, Jack Lang intervient, conscient qu’il serait indécent de laisser la ville de Paris (propriétaire du terrain) détruire la dernière (et unique) piscine Art déco à ciel ouvert de Paris. Il bloque le permis de démolir. Ouf.

 

Etape 5 : toujours en alerte (les média y contribuent activement), Jack Lang, fait inscrire Molitor à l’Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques (novembre 89). C’est pas un Classement aux Monuments Historiques, loin de là. Mais, ça aide.

 

Etape 6 : c’est le fight général entre le ministère de la culture (socialiste) et la mairie de Paris (RPR).

Jack Lang et Jacques Chirac se renvoient l’ascenseur à qui mieux mieux pour savoir qui va financer la rénovation.

En final, personne.

 

Etape 7 : l’association maintient la pression et prouve, en proposant un projet de rénovation, avec le cabinet Reichen & Robert, que Molitor peut confirmer sa vocation d’établissement sportif grand public en sauvegardant l’esprit de son créateur (Lucien Pollet). Elle est située à 50 mètres de  Roland Garros, et juste en face du stade  Jean Bouin). Elle restera une piscine grand public, avec ces deux bassins (été-hiver). Elle assurera de nouvelles fonctions sportives dans des volumes développés à cet effet (sièges sociaux de grandes associations, centres d’entraînement : natation, water-polo, escrime, judo). La patinoire sera remise en fonction.

 

Etape 8 : le projet de rénovation mis au point par le cabinet Reichen & Robert (Grande Halle de la Villette, Halle Tony Garnier, etc) développe la vocation sportive des lieux : réhabilitation du bassin olympique à ciel ouvert et des cabines, création d’un second bassin olympique couvert, création d’un bassin de water-polo, remise en service de la patinoire en hiver sur le bassin extérieur, etc. La gestion sera mixte : municipale pour les bassins olympiques, privée pour les nouveaux espaces développés. L’une de nos conditions prioritaires était de conserver les piscines accessibles au grand public, comme c’était le cas pendant les soixante années précédentes.

 

Etape 9 : la ville de Paris annonce la mise en place d’un appel d’offre pour la réhabilitation de Molitor.

 

Etape 10 : un nouveau projet verra donc le jour suite à ce  concours. Peut-être celui de Reichen & Robert, ou peut-être pas. Mais nous avons modifié le cours des choses et, nous l’espérons, dans le bon sens. A ce stade l’association a atteint ses objectifs. Elle est dissoute en juin 93.

Une nouvelle association SOS Molitor apparaît, opposée au projet Reichen. C’est la loi de la concurrence. Que le meilleur gagne.

Tibéri devient maire de Paris en 95. Nous savons qu’il risque d’enterrer l’appel d’offre. Mais nous savons aussi qu’une municipalité socialiste peut bientôt prendre le relai. Avec elle, un dossier finira bien par aboutir. Dans le bon sens. Celui de l’intérêt général.

Et, jamais deux sans trois, une nouvelle association SOS Molitor voit le jour en 2008, l’année où monsieur Delanoë désigne le projet Colony Capital pour la rénovation de Molitor. Un projet qui marque la rupture avec l’esprit Molitor. Autant sur la forme que sur le fond.

Un projet qui manque terriblement d’élégance. Dans tous les sens du termes.

 

En mai 2014, Molitor est devenue un enclos pour privilégiés (180€ la journée, 3 300€ l’abonnement annuel)

Tout ça pour ça… Alors, essayons de limiter les dégâts : aidons Anne Hidalgo à municipaliser les piscines Molitor !

Pour toutes les Parisiennes et tous les Parisiens qui n’ont pas les moyens  d’aller au bord de la mer l’été.

Et, plus simplement , pour toutes celles et tous ceux qui veulent nager toute l’année dans un monument historique qui appartient à la mémoire collective.

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